quinta-feira, 27 de junho de 2013

Entrevista




La géographie, les paysages sont fondamentaux pour le poète que vous êtes. On imagine votre désarroi quand vous arrivez à Paris, en 1946, à l’âge de 18 ans… 


Pas du tout. Grâce à Balzac et aux auteurs du XIXe que j’avais lus ou que l’on nous avait enseignés, Paris me paraissait familier. Au début, j’ai tout de même été assez sauvage. Je refusais instinctivement la fréquentation des gens. Une espèce de recul…


Par crainte du racisme ? 

Pas vraiment. Dans le Paris de l’après-guerre, il n’y avait pas beaucoup de Noirs – on disait de Nègres, à l’époque –, nous étions l’objet d’une curiosité amusée. Jeune, j’avais des cheveux beaucoup plus fournis et plus crépus qu’aujourd’hui ; je me souviens de vieilles dames, ou même de jeunes femmes, qui m’arrêtaient, dans la rue, me demandant : « Monsieur, vous permettez que je touche vos cheveux ? »


Et ça ne vous blessait pas ? 

La courtoisie est une des marques de la culture antillaise. Je laissais ces vielles dames, presque émerveillées, me toucher les cheveux. Quant aux jeunes femmes, c’était la manière la plus simple de faciliter leur approche ! Il ne s’agissait pas alors d’un regard hostile. Les Noirs représentaient l’étrangeté. Le racisme n’avait pas atteint le caractère sectaire qu’il montre aujourd’hui. Mais il existait, de façon cachée, et quand un Antillais voulait louer une chambre, on ne la lui donnait presque jamais. Ce qui nous a sauvés, nous autres étudiants « coloniaux », ce sont les bordels. Marthe Richard, femme politique (dont on disait qu’elle avait été prostituée), avait fait fermer les maisons closes, à Paris, et les autorités les avaient attribuées aux associations d’étudiants. Les étudiants français ne voulaient pas y habiter mais nous, Antillais, Africains, Arabes, nous n’avions apparemment aucun problème avec les bordels. C’est ainsi que j’ai habité au 4 de la rue Blondel, dans le quartier Strasbourg-Saint-Denis. Ce n’était pas cher. Des grandes chambres avec des glaces partout, jusqu’au plafond, et des peintures pornographiques sur les murs !


“Les Antillais et les gens de la Caraïbe en général 
ont eu très tôt vocation à aller aider les autres.”









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