quinta-feira, 27 de junho de 2013

Questão respondida por Glissant.




Vous êtes né sur une île, la Martinique, et le regard sur le monde – le « Tout-Monde », comme vous l’appelez aujourd’hui –, est au cœur de votre œuvre de poète. Jeune homme, comment avez-vous découvert les grands horizons depuis cette île qui n’a jamais été synonyme, pour vous, d’enfermement ? 

J’avais une douzaine d’années quand la Martinique a été occupée par les troupes de l’amiral Robert, le représentant de Pétain. La Martinique et la Guadeloupe étaient isolées du monde par le blocus de la flotte américaine. Cet isolement a été terrible puisqu’il nous a fait connaître l’univers de la faim et même de la famine. Mais il a aussi exacerbé en nous ce que j’appellerais un désir de monde. Ce puissant désir qui va devenir une des composantes de mon univers littéraire et poétique. 

Je vivais avec ma mère au Lamentin, un gros bourg qui était au centre de la plus importante communauté économique du pays. Je voyais mon père pendant les vacances scolaires. Il était « géreur » de plantation, c’est-à-dire une sorte d’intendant qui avait sous sa responsabilité une équipe de travailleurs agricoles, pour le compte du propriétaire béké, le colon blanc. Les « géreurs » n’étaient pas attachés à une seule et même habitation [l’exploitation agricole, héritée du système colonial antillais, NDLR], ils se déplaçaient de plantation en plantation, changeant de patrons et de paysages. Ainsi faisait mon père presque chaque année et j’ai découvert toute la Martinique dans sa multiplicité, comme une anthologie de paysages différents, sur un petit espace. Déjà, c’était humblement apprendre la diversité du monde. 


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